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Je ne cherche pas à réussir mes photographies, en réalité, c’est tout le contraire : j’essaie par tous les moyens de ne pas suivre les bonnes manières, de désobéir, d’être inappliqué et peut-être même de les rater.

Étant donné qu’il existe une omniprésence des technologies facilitant et embellissant les photographies réussies, il me paraît plus amusant - car l’enjeu est plus important et plus difficile à atteindre - de résister et d’explorer d’autres manières de produire de l’image. Pourtant prendre une photo semble facile au premier abord, d’une simplicité enfantine : il suffit de déclencher au bon moment. Clic ! C’est « l’instant décisif ». Cette pensée est le vestige d’un certain romantisme de la consommation et limite toute la pratique du photographe au moment d’appuyer sur le bouton. Il m'a paru nécessaire de m’écarter de cette vision, de cette pratique homogénéisé et homogénéisante pour élaborer d'autres images. Autrement dit, pour m’approprier et m’émanciper du monde l’image, j'ai commencé par questionner les moyens de leurs productions.

À quoi bon appliquer une formule, régler quelques paramètres ?
À quoi bon être au service de l’appareil ?
À quoi bon suivre les notices et les modes d’emplois ?

Mais, avant de les jeter à la poubelle, il est important de les examiner attentivement car en lisant ces notices, ces règles de bon sens, nous pourrons cartographier les routes toutes tracées pour s’en écarter et découvrir les sentiers inexplorés. Telle est l’ambition des pratiques expérimentales et alternatives : s’écarter du bien fait et du beau pour innover et conquérir de nouveaux procédés. Au travers de ce cheminement, je déploie une pratique de déconstruction et de reconstruction de l’acte photographique. Je joue avec les appareils et les protocoles pour les détourner, les réinvestir, les réinventer. À contre-courant des pratiques établies, cette tradition de recherche plastique permet de découvrir et d’ouvrir de nouveaux horizons, aussi bien dans le domaine de la pratique que dans celui des idées. En somme, cette démarche vise à se réapproprier l’appareil et les images qu’il produit : les images du monde, les images de l’autre et les images de soi. 

Dans un dialogue entre expérimentation et conceptualisation, je propose un corpus hétérogène d‘œuvres aussi bien en numérique qu’en argentique au travers desquelles, j’aborde une esthétique de la gestualité, de la gesticulation et de la circulation notamment par la mise en lumière des corps photographiant et des corps photographiés. En disséquant les procédés j’ouvre vers plus de transversalité ainsi s’estompe les frontières entre l’action et l’image, la peinture et la photographie. Cette gestualité permet de regarder au-delà de la prise de vue et de dévoiler les coulisses de l’appareil. Je travaille sur la matérialité du temps et de l’espace dans l’image photographique : leurs imbrications autant que leurs stratifications. Au-delà de l’acte photographique, je traite également des questions du geste, du corps et de l’intime. Par cette démarche, je reconsidère le modèle au vu de la spécificité du médium pour proposer de nombreuses réécritures du sujet et inventer de nouvelles manières de le représenter.

Fidèle à la pensée que je défends, je continue passionnellement d’expérimenter et reste attentif à l’évolution de la pratique expérimentale contemporaine qui devient plus nécessaire que jamais pour composer une nouvelle théorie de l'image.

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